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Mesure thérapeutique institutionnelle prolongeant la durée d'une détention : violation du droit à la liberté du détenu

Pénal - Procédure pénale
10/01/2018
La privation de liberté subie à la suite de l'application de la mesure thérapeutique, prononcée à quelques mois de la libération prévue du requérant sur le fondement d'expertises psychiatriques insuffisamment récentes, et sans qu'il ait été transféré dans un établissement adapté à son trouble mental, n'était pas compatible avec les objectifs de la condamnation initiale. Telle est la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans un arrêt du 9 janvier 2018.
L'affaire concernait l'application d'une mesure thérapeutique à un condamné suisse, M. K. atteint de troubles mentaux, quelques mois avant la date prévue de sa libération. A la suite d'un rapport psychiatrique, l'autorité chargée de l'exécution des peines demanda au tribunal d'appel de vérifier si les conditions pour prononcer un internement ultérieur ou une mesure thérapeutique institutionnelle étaient remplies. Au terme de la procédure, le tribunal d'appel ordonna une mesure thérapeutique institutionnelle et la suspension de la peine demeurant à exécuter. Le recours du requérant fut rejeté par le tribunal fédéral et il demeura incarcéré.

La Cour observe que la mesure litigieuse a été prise plus de sept ans après la condamnation initiale, et peu de temps avant la libération prévue de M. K.. De plus, elle estime que le délai entre les expertises psychiatriques et le prononcé de la mesure litigieuse a été excessif. Elle note également qu'alors que l'expert psychiatrique interrogé lors de la procédure avait indiqué les noms de plusieurs centres pénitentiaires disposant de centres de thérapie dont il convenait de tenir compte, M. K. est resté incarcéré. La Cour, rappelant l'article 62 c) du Code pénal selon lequel la mesure litigieuse doit être levée s'il n'y a pas ou plus d'établissement approprié, estime que M. K. n'est pas soigné dans un milieu adapté à son trouble mental. La Cour conclut que la mesure litigieuse, qui a été imposée seulement vers la fin de l'exécution de la peine initiale et reste en vigueur jusqu'à aujourd'hui, ne se fondait pas sur des expertises suffisamment récentes et que M. K. se trouve, plus de quatre ans et demi après l'expiration de sa peine d'emprisonnement initiale, dans une institution manifestement inadaptée aux troubles dont il souffre. La privation de liberté subie à la suite de l'arrêt du 22 août 2012 n'était pas compatible avec les objectifs de la condamnation initiale.

La Cour juge, toutefois, qu'il n'y a pas eu rétroactivité d'une sanction plus lourde que celle prévue par le droit en vigueur au moment de la commission des faits délictuels. Enfin, la Cour constate que les autorités internes, qui ont considéré l'établissement nouveau de l'état mental de M. K. comme un fait nouvellement révélé, ont procédé à la modification du jugement initial "conformément à la loi et à la procédure pénale de l'Etat".

Par Marie Le Guerroué
Source : Actualités du droit