Image  Assemblée générale de la Conférence des bâtonniers, le 23 mars 2018

Réforme de la Justice : les bâtonniers votent la poursuite de la mobilisation

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
Pénal - Procédure pénale
24/03/2018
Le 23 mars 2018, deux jours après le succès de la première journée d’action des avocats, la Conférence des bâtonniers, réunie en assemblée générale, a voté une motion dénonçant plusieurs points de l’avant-projet de loi de programmation de la justice et appelant les barreaux à poursuivre leur mobilisation.
La Conférence des bâtonniers s’est félicitée de la forte mobilisation des barreaux lors de la journée « Justice morte » du 21 mars, largement relayée par les réseaux sociaux et de très nombreux médias nationaux et régionaux. Des barreaux « unis, unanimes et solidaires », souligne la motion adoptée par l’institution.

Avocats 1 – Chancellerie 0 : la victoire grâce à l’unité

Une première victoire pour les avocats qui ont su oublier leurs différences pour peser dans la réforme de la Justice engagée par le Gouvernement. Une unité voulue, portée et affichée depuis le début de l’année par le Conseil nationale des barreaux (CNB), le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers (voir nos articles du 19/01/18 : « Vœux du CNB : l’unité de la profession avant tout ! » et du 01/02/2018 : « AG de la Conférence des bâtonniers : les avocats unis face aux futures réformes »).

Une unité saluée par Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, qui avait été invitée à s’exprimer ce 23 mars devant les bâtonniers de France. Elle n’a pas caché sa fierté de voir les avocats faire front commun : « Il y a deux mois quasiment jour pour jour nous faisions ici la démonstration de l’unité de notre profession. (…) Nous avions tous noté qu’unis, rassemblés, nous serions plus forts pour exister vis-à vis-des pouvoirs publics (…). L’épreuve des faits, l’épreuve du feu a commencé (…). Nous nous sommes levés, tous, bâtonniers, barreaux, avocats, de Paris à Fort de France, pour refuser un projet de loi dangereux pour les justiciables, mortifère pour notre profession ».

Une unité qui a permis à la profession d’obtenir quelques modifications de l’avant-projet de loi de programmation de la justice avant son dépôt, ce même jour, au Conseil d’État.

Un texte qui reste inacceptable, malgré quelques avancées

À l’instar du CNB le 16 mars 2018, lors de sa propre assemblée générale (voir notre article du 19/03/18 : « Projet de loi de programmation pour la justice : le CNB dénonce un texte inacceptable »), la Conférence des bâtonniers constate « qu’à ce jour, le projet de loi de programmation pour la Justice reste inacceptable », en dépit des quelques avancées obtenues ces derniers jours.

Outre la suppression de la réforme des saisies immobilières et la réinsertion de l’avocat dans la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC ; voir notre article du 15/03/18 : « Projet de loi de programmation pour la justice : les avocats ne décolèrent pas ! »), Christiane Féral-Schuhl a en effet indiqué que la profession a d’ores et déjà obtenu des avancées :
– l’insertion de la médiation et de la procédure participative aux côtés de la conciliation préalable, au choix des parties, parmi les mesures que peut ordonner le juge, en tout état de la procédure, y compris en référé, permettant ainsi aux avocats d’intervenir de nouveau sur la phase amont des contentieux concernés (art. 1er du texte) ;
– la fixation à dix jours, au lieu de deux, du délai de recours ouvert pour déférer au président de la chambre de l'instruction la décision du juge d'instruction de s’opposer à la communication du dossier aux parties (C. proc. pén., art. 114) ;
– le maintien des cours d’appel : une victoire pour la Conférence des bâtonniers qui s’est fortement mobilisée, notamment par le biais d’une pétition.

Toutefois, en l’état, la Conférence des bâtonniers reste opposée au projet de texte qui, selon elle, porte « atteinte aux libertés individuelles, aux droits des victimes et aux droits de la défense », en prévoyant « une déjudiciarisation sans précédent, la création de déserts judiciaires, d’une justice déshumanisée et privée, motivée par des seules considérations budgétaires ». Une opinion partagée par la présidente du CNB qui dénonce au civil une « déjudiciarisation soit vers les legaltechs, soit vers les notaires et les huissiers », laissant le choix au justiciable « entre le far west ou la rente. Entre le saloon et l’étude notariale » et, au pénal, un renforcement des pouvoirs du parquet et des services de police, au détriment des droits de la défense et de la victime.

Des négociations qui ne font que commencer

Estimant qu’aucune réelle concertation n’a eu lieu pour l’instant, la Conférence des bâtonniers exige dans sa motion :
– la mise en place d’une réelle concertation, avec « des interlocuteurs à la hauteur » – interlocuteurs qui ont fait défaut jusqu’à présent d’après Jérôme Gavaudan, le président de l’institution (voir tweet @Conf_Batonniers 23/03/18) ;
– l'arrêt du processus législatif ;
– la mise en place d’un calendrier précis et la communication sans délai de tous les projets de textes.

Parallèlement, elle poursuivra aux côtés des représentants du CNB, du barreau de Paris et des syndicats, les négociations avec la Chancellerie, puisque la garde des Sceaux a accepté de procéder à une saisine rectificative du Conseil d’État pour modifier le texte jusqu’au 11 avril.

Christiane Féral-Schuhl a indiqué que les discussions portent notamment :
– sur les legaltechs et l’étendue des conséquences de l’article 4 du texte relatif à la représentation obligatoire par avocat ;
– sur la partie du texte relative divorce, avec notamment la force exécutoire de l’acte d’avocat ;
– sur l’obtention du projet d’ordonnance relatif à la fusion des tribunaux d’instance (TI) et des tribunaux de grande instance (TGI).

Dans le même temps, un travail de sensibilisation des parlementaires a été entamé et une étude du projet de loi sous l’angle constitutionnel demandée par le CNB, a indiqué sa présidente.

De nouvelles actions en perspective

Négocier ne veut pas dire renoncer. Aussi, la Conférence des bâtonniers a-t-elle décidé de maintenir la pression :

– en invitant « les bâtonniers à mener toute action de protestation dans le cadre de grèves perlées telles que suspension des désignations et cessation de la participation des barreaux aux activités de consultations ou aux activités juridictionnelles » ;
– en appelant « les avocats à se mobiliser le 30 mars 2018 avec les magistrats et les greffiers avec cessation de toute activité judiciaire et juridique » ;
– en décidant d’une nouvelle manifestation nationale de la profession le 11 avril 2018.

Reste à savoir qui du gouvernement ou des avocats gagnera la prochaine bataille…
Source : Actualités du droit