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Nécessaire responsabilité de la prise en charge de la victime par l’auteur du délit de délaissement

Civil - Personnes et famille/patrimoine
01/06/2018
Dans un arrêt rendu le 23 mai 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise que l’auteur du délit de délaissement doit nécessairement être une personne assumant déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime.
En l’espèce, le requérant, de nationalité indienne, s’était présenté en 2012 à la Permanence d'accueil et d'orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE) de Paris, en vue d’un placement au titre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Après un entretien, le mineur, alors âgé de dix-sept ans et sept mois, s’est vu opposer un refus de prise en charge par la PAOMIE, en raison de son âge trop proche de la majorité au vu des délais d'orientation, qui sont de quatre à six mois.
 
Le mineur porte plainte contre personne non dénommée, invoquant le délit de délaissement d’une personne incapable de se protéger, inscrit à l’article 223-3 du Code pénal. Sa requête ayant été rejetée au cours des instances précédentes, le requérant forme un pourvoi en cassation.
 
Volonté d’abandonner définitivement la victime
 
En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que la commission du délit de délaissement « suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d'abandonner définitivement la victime ». Telle est l’interprétation faite de l’article 223-3 du Code pénal, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis un arrêt du 23 février 2000 (Cass. crim., 23 févr. 2000, no 99-82.817).
 
Appliquant cette jurisprudence au cas d’espèce, la cour relève que l’élément matériel n’est pas constitué, au regard notamment de la liberté d’appréciation conférée à l’ASE par les textes en vigueur. Elle confirme par ailleurs les arguments apportés par le département de Paris en 2012, affirmant qu’ « il ne peut y avoir automaticité de prise en charge de tout usager de l'aide sociale à l'enfance », et « qu’évoquer le délaissement en supposant que le délit soit constitué serait de nature à reconnaître une automaticité de la prise en charge ».
 
Responsabilité de la prise en charge de la victime
 
En second lieu, la cour apporte dans la solution énoncée une précision de sa jurisprudence, concernant la qualité de l’auteur du délaissement. En effet, elle affirme pour la première fois que « le délit de délaissement ne peut être constitué qu’à l’encontre d’une personne qui assume déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime ».
 
Dans le présent cas, la cour indique que « tel n'est pas le cas du refus de prise en charge ab initio d'un mineur qui n'avait, au moment de ce refus, fait l'objet d'aucune mesure de prise en charge de la part des autorités publiques ou d'organismes exerçant une mission de service public ».
 
Il résulte de ces éléments que l’infraction pénale réprimée par le texte invoqué n’est pas constituée, et que la chambre de l’instruction en a fait une exacte application.
Source : Actualités du droit