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Recours contre une obligation de quitter le territoire français

Civil - Personnes et famille/patrimoine
05/06/2018
Dans une décision QPC (question prioritaire de constitutionnalité) rendue le 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel censure les règles de délai permettant à un étranger détenu de former un recours contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 15 mars 2018 par le Conseil d'État (CE, 14 mars 2018, n° 416737) d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du § IV de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, relative au droit des étrangers en France. 

Les requérants soutenaient que ce paragraphe méconnaissait les exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Selon eux, les délais impartis par ce paragraphe à un étranger détenu pour exercer son recours à l'encontre d'une OQTF, et ceux impartis au juge pour statuer sur cette contestation, seraient, au regard des conditions particulières de la détention, trop courts pour garantir le caractère effectif du recours et l'exercice des droits de la défense.
En outre, en méconnaissance de sa compétence et du droit au recours juridictionnel effectif, le législateur n'avait pas prévu de garanties suffisantes de nature à assurer à l'étranger en détention un accès effectif à un interprète et à un avocat dans ces délais.

Inconstitutionnalité des dispositions

Le Conseil précise qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur avait entendu assurer l'exécution de l'OQTF et éviter qu'un étranger détenu, objet d'une telle mesure, doive, à l'issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours.
Il relève, toutefois, d'une part, que les dispositions contestées prévoient un délai maximum de cinq jours entre la notification d'une obligation de quitter le territoire à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure s'il en est saisi et donc, que l'étranger dispose d'un délai particulièrement bref pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.
D'autre part, le Conseil note que l'administration peut notifier à l'étranger détenu une OQTF sans attendre les derniers temps de la détention, dès lors que cette mesure peut être exécutée tant qu'elle n'a pas été abrogée ou retirée. Elle peut donc, lorsque la durée de la détention le permet, procéder à cette notification suffisamment tôt au cours de l'incarcération tout en reportant son exécution à la fin de celle-ci. 

Dès lors, pour le Conseil, en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l'étranger détenu afin de former son recours et pour le juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions de l’article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'appliquent quelle que soit la durée de la détention, n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention. 

Les Sages considèrent donc que les mots « et dans les délais » figurant à la première phrase du § IV de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être déclarés contraires à la Constitution. La censure est à effet immédiat.

Par Marie Le Guerroué
Source : Actualités du droit