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Pari sportif et gain manqué : quand le parieur malheureux remet en cause le déroulement du match

Civil - Responsabilité
04/07/2018
Seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club à l’égard d’un parieur ; la position de hors-jeu du joueur ayant inscrit le but litigieux ne constitue pas un tel fait.
Dans cette affaire, un parieur valide une grille du jeu loto foot en pariant sur les résultats de quatorze matchs de football. Seul un résultat n’est pas pronostiqué par lui avec succès ; en effet, celui-ci avait parié sur un match nul alors que le score, confirmé par les instances sportives, avait été d’un but à zéro et l’intéressé a donc perçu un gain pour treize pronostics exacts. Néanmoins, estimant que le résultat de cette rencontre avait été faussé par la prise en compte d’un but inscrit en position de hors-jeu à la fin du match par un des joueurs du club, le parieur assigne le joueur ainsi que le club de football en dommages-intérêts en raison du gain manqué au titre de quatorze bons pronostics.

La cour d’appel de Riom, dans un arrêt du 19 avril 2017, déboute l’intéressé de ses demandes. En effet, les juges du fond retiennent que seule la violation grave, délibérée ou caractérisée des règles du jeu constitue une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ou de l’association qui l’emploie. En l’espèce, l’infraction aux lois du sport ne réside pas dans la transgression de simples règles techniques organisant le déroulement du jeu, telles que celles régissant le hors-jeu dans un sport collectif comme le football, mais de celles destinées à préserver la sécurité et l’intégrité corporelle des pratiquants ou la parfaite loyauté de l’affrontement sportif. Or, même si les images de la rencontre tendaient à démontrer que le joueur était effectivement hors-jeu lors qu’il avait marqué le but litigieux, la rapidité caractérisant les actions menées au football de même que le rôle conféré à tout joueur qui, recevant le ballon et se trouvant en position offensive se devait de réagir immédiatement dans le cadre de l’action de jeu étaient autant d’obstacles à la qualification de faute civile génératrice de responsabilité. Ainsi, la simple transgression de la règle sportive survenue dans le cours du jeu et non contre le jeu ne saurait à elle seule constituer une faute civile de nature à fonder l’action en responsabilité engagée par un parieur mécontent.

Le parieur malheureux se pourvoit en cassation. Il tentait de démontrer que, dans le domaine du pari sportif, toute faute résultant d’une transgression de la règle sportive commise par un joueur dans le cours du jeu, fût-elle sans influence sur la sécurité des pratiquants ou sur la loyauté de l’affrontement sportif, engage sa responsabilité et celle du club dont il dépend, dès lors qu’elle a indûment faussé le résultat de la rencontre et causé la perte de chance d’un parieur de réaliser un gain.

Le demandeur essayait également de mettre en avant le professionnalisme du joueur qui induisait nécessairement la conscience, par celui-ci, de sa position irrégulière avant même de recevoir le ballon et par extension, sa volonté délibérée de marquer irrégulièrement le but et une atteinte à la loyauté de l’affrontement sportif. Il arguait ainsi d’une perte de chance constituée par la disparition d’une éventualité favorable pour le parieur lui ayant causé un préjudice certain.

La cour de Cassation, dans un arrêt du 14 juin 2018 rendu par la deuxième chambre civile, rejette le pourvoi et indique que seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur. Ainsi, même à supposer que le joueur ait été en position de hors-jeu, cette transgression de la règle sportive ne constituait pas un fait de nature à engager sa responsabilité ou celle de son club envers le parieur. Cette décision fait écho à la jurisprudence constante en la matière qui tend à distinguer entre le « fait de jeu » et la « faute de jeu » (Cass. 2e civ., 13 janv. 2005, no 03-12.884, Bull. civ. II, n° 9) et exigeant, pour retenir la responsabilité du joueur et de son club de sport, une faute caractérisée (Cass. 2e civ., 13 mai 2004, 03-10.222, Bull. civ. II, n° 232) et non pas une simple faute involontaire ou de maladresse relevant des risques normaux de la pratique sportive (Cass. 2e civ., 8 avr. 2004, n° 03-11.653, Bull. civ. II, n° 194).
 
 
Source : Actualités du droit