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Escroquerie et compte séquestre : manquement aux obligations de vigilance, d'information et de conseil

Civil - Immobilier
26/07/2018
Dans un arrêt rendu le 20 juillet 2018, la cour d'appel de Versailles juge qu'un avocat chargé de la rédaction d’un acte de financement a manqué à ses obligations de vigilance, d'information et de conseil, en n'informant pas son client du risque évident d'escroquerie dont ce dernier a été victime.
Manque à ses obligations de diligence, d'information et de conseil et est condamné à verser à son client 40 % du préjudice qu’il a subi, l’avocat chargé de la rédaction d’un acte de financement comportant un prêt assorti, à la demande du prêteur, d'une clause prévoyant le versement d'une somme de la part de l'emprunteur sur un compte séquestre ouvert auprès d’une banque étrangère, alors qu’une partie des fonds n’a jamais été délivrée à l’emprunteur et a été détournée.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles, le 20 juillet 2018.

Escroquerie et compte séquestre

Dans cette affaire, une société française spécialisée dans la promotion immobilière poursuivait le développement d'un projet de construction d'une résidence hôtelière. Son gérant a mandaté une société française de courtage pour rechercher un investisseur prêt à financer le projet, dont le coût était estimé à 20 millions d'euros.

La société de courtage a été contactée par un fonds d'investissement ayant son siège au Liechtenstein. Ce fonds a fait une offre de financement, selon laquelle il s'engageait à mettre à sa disposition une somme de 20 millions d'euros, tout en prévoyant que la mise en place financière serait établie à travers une société inscrite au registre italien des agences financières.

La société française spécialisée dans la promotion immobilière a confié la rédaction de l'acte de financement comportant un prêt assorti, à la demande du prêteur, d'une clause prévoyant le versement d'une somme de la part de l'emprunteur sur un compte séquestre ouvert auprès d’une banque italienne. Un virement de 400 000 euros correspondant au dépôt de garantie de la première tranche de financement a bien été effectué, mais le financeur n'a par la suite jamais procédé au moindre transfert de fonds et ses dirigeants ont disparu, tandis que la somme de 400 000 euros déposée en séquestre a été retirée et transférée.

La société de promotion immobilière a déposé plainte pour escroquerie. Parallèlement, la responsabilité professionnelle de l’avocat a été recherchée.

Responsabilité de l'avocat

La cour d'appel juge qu'en ne s'assurant pas, préalablement à l'établissement de l'acte de prêt, de la capacité de l’interlocuteur de la société de promotion immobilière à représenter la société prêteuse, l'avocat a manqué à son obligation de diligence propre à assurer l'efficacité de l'acte rédigé par ses soins.

L'avocat a également manqué à ses obligations, en ayant mis en œuvre un mécanisme défectueux ne protégeant pas les intérêts de son client, alors que le premier but poursuivi était que ce dernier ne perde pas les fonds déposés ; et que l'imperfection du mécanisme était d'autant plus évidente que la banque séquestre n'était pas partie au contrat, et que son rôle crucial aurait pleinement justifié son intervention à l'acte.

De plus, la cour relève que le montant du financement demandé était particulièrement élevé, ce qui aurait dû inciter l’avocat à une obligation de vigilance, d'information et de conseil accrue en termes de protection des intérêts de sa cliente. En réalité, les risques étaient si réels que l’avocat aurait dû déconseiller à sa cliente de conclure le contrat aux conditions imposées par le cocontractant et qu'il ne suffit pas d'avoir évoqué l'insertion « d'un paragraphe pourri » demandé par ce dernier pour justifier avoir rempli son obligation.

Par Anne-Laure Blouet Patin
Source : Actualités du droit