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Décarbonation et mobilité électrique : « Des prix adaptés dans les prochains mois », pronostique François Gatineau, Mobileese

Transport - Route
05/06/2023
Le président du cabinet Mobileese, François Gatineau, croit aux vertus du retrofit et incite les entreprises à investir dans l’installation de bornes de recharge. Il regrette le peu d’intérêt que suscite jusqu’à maintenant l’entretien et le recyclage des batteries. Il plaide pour la mise en place d’une « chaîne de valeurs » complémentaire à toute politique promouvant l’écomobilité.
Bulletin des transports : Le gouvernement a défini une stratégie nationale pour le retrofit. Quelles sont les conséquences directes et indirectes pour les poids lourds et les véhicules utilitaires légers ?
François Gatineau : En raison de la crise énergétique en 2022, force est de constater que les transporteurs ont privilégié le gazole, le gaz et le biogaz, sauf pour la courte distance et la livraison urbaine.  Lorsque les volumes de production sont faibles, les prix des véhicules sont élevés. Le prix des véhicules électriques va diminuer car l’offre est en passe de se structurer.
Le coût total d’acquisition (TCO) pour les véhicules utilitaires légers sera meilleur pour l’électrique que pour le thermique. Seul bémol, l’autonomie insuffisante des véhicules limite encore la capacité de livraison des clients. Sans compter la capacité de la charge utile !
Les choses évoluent à vitesse grand V ; nous aurons des solutions pertinentes dans les prochains mois, à des prix adaptés qui permettront aux transporteurs d’accéder aux ZFE. Le marché est d’importance : à l’horizon 2040, la transition énergétique a été chiffrée, par les fédérations professionnelles, à 52,6 Md€ pour tenir la stratégie nationale bas carbone, dont 23,5 Md€ pour passer aux camions électriques.

BTL : Vous vous intéressez à une étude de Reuters, parue en mars dernier, qui traite de l’enjeu des batteries électriques endommagées. Pourquoi ?
F. G. : Les constructeurs se positionnent peu sur la réparation et l’entretien des batteries malgré un potentiel de nouveaux business et de nouveaux emplois. S’ils le font, c’est dans leurs propres laboratoires comme Renault avec son centre de réparation de Flins. Les constructeurs et la filière après-vente sont dans l’incapacité de réparer les véhicules et les batteries  électriques  lorsqu’il y a un accident ou un incendie. C’est vraiment dommage. Or, pour que la  transition écologique puisse se concrétiser, les entreprises doivent aller au bout des choses : quitte à décarboner les mobilités, il faut le faire pour tous  les process, du puits à la roue. Si un accident survient, il convient de recycler l’ensemble des composants pour les réutiliser ou  qu’on puisse les réparer. Le prix d’un véhicule électrique est encore trop élevé ; en cas de sinistres, les assureurs sont réticents à indemniser l’assuré.

BTL : La transition énergétique vers l’électrique vous paraît-elle bien avancée pour les véhicules utilitaires légers ?
F. G. : Oui, si l’on parle de la mise en place des infrastructures de recharge. La suite logique doit concerner les processus annexes, c’est-à-dire l’entretien, la réparation des batteries et le recyclage. Il va falloir organiser ces processus annexes pour élaborer une chaîne de valeur vertueuse. En parallèle, nous commençons à recevoir des demandes pour des poids lourds jusqu’à 26 t à l’initiative d’entreprises de la messagerie et de livraison urbaine. Elles nous sollicitent pour la réalisation des études techniques et la création des infrastructures de recharge. Les dirigeants souhaitent aussi être accompagnés dans le choix des modèles de véhicules adaptés et du lieu d’implantation des bornes de recharge.
Nous réalisons un grand nombre de projets d’évolution de flottes VUL vers l’électrique pour optimiser les plans de transport. Pour ce qui est des poids lourds, nos prestations concernent davantage le choix des lieux d’implantation pour recharger les véhicules sur les  parkings.

BTL : Dans un passage à l’électrique, quel est l’intérêt de faire appel à un bureau d’études ?
F. G. : Une structure comme la nôtre entre en scène pour tout ce qui concerne l’étude technique et électrique. Quelle architecture électrique faut-il construire ? Sans compter que les transporteurs nous demandent parfois de rechercher un installateur et un exploitant pour l’infrastructure de recharge.  Nous les accompagnons dans le lancement des appels d’offres et la rédaction du cahier des charges et, si besoin, jusqu’à la mise en service. Certains semblent l’avoir compris ; nous sommes déjà à 5 dossiers poids lourds depuis le début de l’année.

BTL : Pour quelles raisons les constructeurs se positionnent-ils peu sur la réparation et l'entretien des batteries ?
F. G. : Le gouvernement est très gentil de fixer un cadre avec des règles ! Mais s’il n’y a pas un intérêt économique pour les constructeurs, ils ne seront pas incités à se lancer sur le marché de la réparation et de l’entretien des batteries. Pour l’heure, les volumes de poids lourds commercialisés sont  faibles, la filière n’est pas suffisamment structurée.
Il y a de l’espoir car les fabricants de batterie réfléchissent au recyclage dans le but de se conformer à la demande du législateur européen. Au sein de l’Union européenne, un taux minimum de composants recyclés devra, à l’avenir, être intégré à toute batterie électrique. Selon un accord entre États membres trouvé en décembre 2022, les batteries des véhicules électriques auront dans l’obligation, à partir de 2031, d’incorporer 16 % de cobalt recyclé ainsi que 6 % de lithium et nickel recyclés.

Propos recueillis par Louis Guarino

 
Source : Actualités du droit