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Utilisation de poids lourds électriques : « nous allons avoir recours à notre propre énergie », explique le Groupe SF

Transport - Route
25/06/2023
Le Groupe SF, implanté à Sautron (44), utilise 5 Volvo FM de 44 t sur des tournées courtes, mais intenses.
Son PDG, Sylvain Pucel, ne regrette pas ce choix qu’il souhaite poursuivre dans les années à venir.
Bulletin des transports : Pourquoi être passé à l’électrique ?
Sylvain Pucel : Au départ, c’était pour répondre à la demande d’un de nos clients, Saunier-Duval, qui se trouve à Nantes intra-muros, avec la problématique d’accès à une ZFE. Il souhaitait également une solution de transport propre, en accord avec son activité de fabrication de pompes à chaleur et de chaudières optimisées pour les gaz verts. La solution gaz ou B100 ne nous satisfaisait pas et nous nous sommes tournés vers l’électrique. Nous avons ainsi été l’un des trois transporteurs à gagner le premier appel à projet « Ecosystèmes des véhicules lourds électriques » de l’Ademe (1), en bénéficiant d’une aide gouvernementale. Nous avons ensuite présenté nos solutions à 250 clients lors d’un événement à Nantes, en avril, en leur proposant d’évaluer leur plan de transport en rapport avec l’usage de camions électriques. Beaucoup se sont montrés très intéressés, même ceux auxquels nous ne pensions pas initialement.
 
BTL : Quelles tournées opérez-vous ainsi ?
S. P. : Trois véhicules sont dédiés à l’activité de navettes entre les dépôts logistiques de notre groupe et l’usine de Saunier Duval. Ils roulent en double poste avec une douzaine d’allers-retours par jour. L’un d’entre eux est également affecté à l’activité de livraisons frigorifiques sur la région nantaise pour les centrales d’achat de différents clients, en opérant des navettes journalières sur une amplitude de 18 heures par jour, ce qui représente 500 km/jour et ceci 6 jours par semaine. Un autre Volvo FM Electric roule pour notre client historique, DHL Express, et effectue une navette quotidienne entre l’aéroport de Nantes et l’une des agences à Vannes.

BTL : Quel est le nombre de bornes PL dont vous disposez, pour quel coût d’installation ?
S. P. :
Nous avons une borne à forte puissance par site, avec 2 points de chargement par borne. Elles ont toutes été installées sur des sites qui disposaient déjà de groupes froids, ce qui a facilité leur installation rapidement, en évitant de grosses opérations de génie civil, à la fois coûteuses et longues à mettre en place. Le coût d’installation d’une borne varie entre 20 k€ et 140/150 k€ en fonction de la puissance voulue. Nous avons dépensé entre 80 à 110 k€ pour nos bornes, en incluant la partie génie civil. Nous disposions déjà d’un TGBT (2), sinon nous aurions dû rajouter entre 200 à 400 k€ pour tirer des lignes suffisamment puissantes. Notre base logistique de Sautron est une ancienne base Lidl avec des prédispositions électriques ; nous y avons installé une borne de 300 kWh. Nous en avons également une de 150 kWh avec 2 points de recharge sur notre site de Derval et nous en installons une autre de 300 kWh sur un nouveau site de Puceul, entre Derval et Nantes. Ce site sera en autoconsommation grâce à l’énergie photovoltaïque.

BTL : Vous serez donc en mesure de produire votre propre carburant. Comment allez-vous gérer la saisonnalité de production entre été et hiver ?
S. P. :
D’une contrainte, nous avons réussi à faire une force. Car la réussite du challenge électrique tient à la maîtrise du coût énergétique : il faut gérer les consommations avec une analyse fine des recharges en fonction des prix du marché électrique, en s’adaptant aux saisonnalités et aux heures creuses. Aujourd’hui, nous avons la chance de produire notre propre énergie, ce qui n’était pas possible avec le gazole ou le gaz. Grâce à l’usage des panneaux photovoltaïques, nous tendrons vers l’autoconsommation, qui plus est dans un cycle vertueux pour l’environnement. Pour l’instant, nous n’avons pas de solution de stockage, mais cela fait partie de nos projets. À l’avenir, nous pourrons stocker l’énergie produite l’été, revendre le surplus, et le CA généré sur ce surplus nous permettra d’amortir la différence des coûts entre l’été et l’hiver.

BTL : Avez-vous dû adapter des tournées en tenant compte de l’autonomie des batteries ?
S. P. :
Nous n’avons pas dédié ces camions à la zone longue et de fait, il y a eu très peu de changement par rapport aux anciennes tournées. Nous avons utilisé au préalable le logiciel de Volvo qui estime les consommations électriques en prenant compte différents paramètres des véhicules, avec les charges transportées et le parcours. Les consommations se sont révélées assez fidèles aux estimations, avec une différence minime. Sur certaines tournées, nos camions sont allés très loin, plus que nos propres estimations initiales, même si, à leur retour, la batterie n’affichait plus que 9 % de charge. En revanche, nous n’avons pas encore assez de recul sur la saisonnalité puisque les camions ont commencé à être utilisés au mois d’avril 2023 ; cela risque d’être différent pendant l’hiver.
 
BTL : Quels sont les premiers retours des conducteurs ?
S. P. :
Un chauffeur qui a conduit un camion électrique ne veut plus retourner sur un Diesel, et les plus récalcitrants au départ ont été convertis ! La conduite du camion nécessite un léger apprentissage et nous allons ajouter de nouveaux paramètres dans notre challenge conducteur pour intégrer les véhicules électriques, et tenir compte des KWH économisés. D’une manière plus générale, nous constatons que le type de conduite est plus apaisé sur un camion électrique. Nous sommes d'ailleurs en discussion avec notre assureur pour en tenir compte.

(1) Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
(2) TGBT : Tableau général basse tension pour les grandes installations électriques.

Propos recueillis par Grégoire Hamon
Source : Actualités du droit