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Le passif de l’IFI à la lumière des commentaires de l’administration fiscale

Civil - Personnes et famille/patrimoine
05/09/2018
De par la diminution de l’actif taxable, le législateur a logiquement été amené à repenser les règles de déduction du passif du nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Par Olivier COURTAUX 
Sous la direction de Christine TURLIER, Avocat
En effet, ce n’est qu’à la double condition d’une dette expressément déductible et hors champ d’une mesure anti-abus, que cette dernière viendra minorer la base taxable de l’IFI. Ce système, complexe, régi par l’article 974 du Code général des impôts (CGI) pour le passif en direct et à l’article 973 du CGI pour le passif social, avait laissé dubitatifs les lecteurs du texte de loi. Les commentaires de l’administration fiscale, tant attendus, ont-ils répondu aux nombreuses interrogations restées en suspens ? Nous vous proposons d’analyser ensemble quelques éléments de réponse formulés dans le BOFiP IFI.
 
1. Le passif en direct
 
Les principes. – Dans un premier temps, l’administration fiscale reprend les grands principes qui prévalaient pour l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), à savoir, la déduction d’une dette certaine, personnelle et justifiée (BOI-PAT-IFI-20-40-10 § 10 à 30). Il est ensuite tenu compte de l’assiette restreinte de l’IFI en rappelant que la déduction du passif est limitée aux seules dépenses limitativement énumérées « affectées à des actifs imposables » (BOI-PAT-IFI-20-40-10 § 150). Les commentaires n’apportent ici rien de nouveau.
 
La dette affectée à l’acquisition de la résidence principale. – La doctrine fiscale clarifie la règle de déduction du passif afférent à la résidence principale du contribuable. En effet, le texte de loi prévoit que les dettes afférentes à des actifs imposables sont déductibles « à proportion de la fraction de leur valeur imposable » (CGI, art. 974 I). Quid de la résidence principale qui bénéficie non pas d’une exonération, mais d’un abattement légal ? Le BOFiP (BOI-PAT-IFI-20-40-10 §160) nous précise clairement et à l’aide d’un exemple chiffré que la dette afférente à la résidence principale est déductible intégralement sans pouvoir excéder la valeur imposable dudit bien.
 
La dette de droits de succession différés du nu-propriétaire. – Le texte de loi nous laissait sans réponse quant à la déduction par le nu-propriétaire des droits de succession différés. Au paragraphe 140 du BOI-PAT-IFI-20-40-10, l’administration autorise expressément la déduction des droits par le nu-propriétaire « à proportion de la fraction de la valeur imposable de l’actif dont il a hérité ». Le BOFiP apporte une précision bienvenue.
 
Les refinancements bancaires. – Sur ce sujet, l’administration nous renseigne en une unique phrase. A priori claire, elle recèle pourtant bien des interrogations. Le texte de loi laissait songeur quant à la possibilité de déduire une dette servant à refinancer une dette préexistante déductible. Comment aurait-on pu considérer que cette nouvelle dette était elle-même affectée à l’immobilier et donc déductible ? Or, il est précisé : « est déductible la dette résultant d’un rachat de prêt par un établissement bancaire lorsque la dette correspondant au prêt racheté était elle-même déductible » (BOI-PAT-IFI-20-40-10 §170). L’IFI ne contrarie donc pas les refinancements bancaires, c’est une bonne nouvelle pour le contribuable. En revanche, l’administration reste muette sur la question d’un éventuel plafond de déductibilité : la dette initialement, déductible constitue-t-elle un plafond pour déduire la nouvelle dette ? La position de l’administration sur la déductibilité des intérêts des revenus fonciers en cas de rachat prêt (BOI-RFPI-BASE-20-80 §110) permettrait d’imaginer une telle solution, nous n’avons cependant aucune réponse à ce stade. En outre, l’administration vise les opérations de rachats et non les renouvellements ou prorogations de crédit, des incertitudes demeurent…
 
2. Le passif social 
 
Les principes. – Reprenant une logique qui préexistait sous l’ISF pour les non-résidents, l’article 973 II du Code général des impôts rend par principe suspecte toute dette d’une société contractée auprès du redevable, de son cercle familial ou pour un refinancement immobilier. Sauf exception et pour éviter une minoration abusive de l’assiette taxable, ces dispositions anti-abus empêchent de déduire de telles dettes pour calculer la valeur des titres. L’administration n’apporte pas de nouveauté sur les grands principes, tout au plus un exemple chiffré (BOI-PAT-IFI-20-30-30 §210) permet d’illustrer la notion floue de dettes exclues « à proportion de la participation détenue ».
 
Les dettes visées. – Le BOFiP précise que toutes les dettes sont visées par la mesure anti-abus « quelle que soit leur forme » (BOI-PAT-IFI-20-30-30 §30), qu’elles soient inscrites au passif ou non. Il est désormais clair que les comptes courants d’associés sont dans le champ cette mesure. Pour autant, il subsiste un réel problème pratique à l’application de cette mesure où ne sont visées que les dettes contractées en vue de dépenses engagées pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier imposable. Hormis le cas d’école d’une société civile immobilière (SCI) avec un seul bien, il pourra être difficile d’identifier l’actif que le compte courant a servi à financer, ce dernier ayant souvent enregistré des opérations de nature différente. L’administration fiscale semble nous laisser sans réponse face à cette problématique.
 
La date du prêt. – La doctrine administrative énonce ensuite que « la date à laquelle la dette a été contractée par la société est sans incidence sur l’application des clauses anti-abus » (BOI-PAT-IFI-20-30-30 §40). Ceci suit la logique mentionnée précédemment selon laquelle toutes les dettes sont visées. Cette précision temporelle nous interpelle : pourrait-on en déduire qu’une dette auparavant visée par la mesure et qui ne l’est plus du fait d’une restructuration deviendrait déductible avec certitude ? Cette conclusion mériterait d’être confirmée.  
 
Les opérations visées. – Soulignons que la doctrine de l’administration fiscale n’apporte aucune précision quant à un paradoxe de cette mesure anti-abus. En effet, dans le texte de loi comme dans le BOFiP, seules les dettes contractées pour l’acquisition de biens ou droits immobiliers sont visées. Il n’est jamais fait état des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière. L’interprétation de cette rédaction législative semble pourtant en contradiction avec l’esprit du texte.
Enfin, l’administration a également commenté les clauses de sauvegarde sur la notion du but principalement fiscal et des conditions normales du prêt. Elle y mentionne quelques critères intéressants. Par exemple, les circonstances que la dette soit souscrite avant le 1er janvier 2018 peuvent caractériser un objectif autre que principalement fiscal. Néanmoins, ces critères listés ne sont pas exhaustifs. Ils laissent une large place à l’interprétation, à l’argumentation et à la subjectivité. À l’image des différents sujets abordés précédemment, les doutes restent entiers et feront sûrement couler beaucoup d’encre en contentieux.
Source : Actualités du droit