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Émission de titres exécutoires par l’ONIAM : l'avis du Conseil d’État

Civil - Responsabilité
Public - Santé
17/05/2019
Le 9 mai 2019, le Conseil d'État a rendu un avis relatif à l'émission de titres exécutoires par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Sur la possibilité pour l’ONIAM d’émettre un titre exécutoire
 
L’ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d’une loi, d’un règlement ou d’une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur, et à ce titre à l’encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du Code des assurances afin de recouvrer les sommes versées à la victime, aux droits de laquelle il est subrogé.
 
En revanche, l’ONIAM ne peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique en cas de silence ou de refus de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, qui ne peut être prononcée que par le juge et doit, s’il entend qu’elle soit infligée, saisir la juridiction compétente d’une demande tendant au prononcé de la pénalité contre, selon le cas, l’assureur ou le responsable des dommages ;
 
Sur la concomitance de l’émission du titre exécutoire et de l’exercice d’un recours subrogatoire
 
L’office n’est pas recevable à saisir le juge d’une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l’indemnité versée à la victime lorsqu’il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige ; réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s’il a déjà saisi le juge ou s’il le saisit concomitamment à l’émission du titre ; ces règles d’articulation ne trouvent toutefois à s’appliquer que lorsqu’est en cause la même créance de l’ONIAM sur le responsable du dommage ou son assureur ; lorsque l’office, après avoir indemnisé la victime, l’indemnise à nouveau en raison d’une aggravation de son état de santé, les créances nées de ces deux indemnisations successives sont distinctes et l’office n’est pas tenu, s’agissant de la deuxième créance, de suivre la même voie procédurale que celle qu’il a retenue pour la première créance.
 
Sur la contestation des états exécutoires
 
Lorsque l’ONIAM a émis un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application de l’article L. 1142-15, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l’égard de la victime aux droits de laquelle l’office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice ; le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître d’une telle demande est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu où s’est produit le fait générateur du dommage subi par la victime. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l’ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique qu’en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition, et n’est donc pas recevable, dans cette hypothèse, à saisir ultérieurement la juridiction d’une nouvelle requête tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité.
 
Sur l’information et la mise en cause des tiers payeurs
 
Lorsqu’il a versé une indemnité à la victime en application de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique, il appartient à l’ONIAM, s’il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, d’informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du Code des assurances ; il incombe également à l’office d’informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l’émission d’un titre exécutoire à l’encontre du débiteur de l’indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l’accident n’ont pas à être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d’une opposition au titre exécutoire.
 
Telles sont les réponses apportées par le Conseil d’État à la demande d’avis formulée par le tribunal administratif de Montreuil dans un avis rendu le 9 mai 2019.
 
La demande d’avis était formulée par le tribunal administratif de Montreuil saisi d’une demande émanant d'une société de responsabilité civile médicale tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre par l’ONIAM et à la décharge de l’obligation de payer cette somme. Les questions suivantes étaient posées (la solution exposée ci-dessous répond dans l’ordre à ces questions) :
 
1°) L’ONIAM, lorsqu’il est subrogé dans les droits de la victime sur le fondement de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique, peut-il émettre un titre exécutoire à l’encontre de l’hôpital public ou de son assureur à concurrence des sommes qu’il a versées à la victime ?
 
2°) En cas de réponse positive à la première question :

  • 2.1. L’ONIAM, agissant sur le fondement de l’article L. 1142-15, peut-il concomitamment émettre un titre exécutoire et exercer un recours subrogatoire devant le juge de la responsabilité ?
  • 2.2. La compétence territoriale du tribunal administratif est-elle déterminée sur le fondement de l’article R. 312-1 du Code de justice administrative ou sur le fondement de l’article R. 312-14 du même code ‘ L’introduction d’un autre recours en responsabilité introduit antérieurement ou en cours d’instance par l’ONIAM sur le fondement de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique, si elle est admise, a-t-elle une incidence sur cette compétence territoriale ?
  • 2.3. Le juge doit-il, dans le contentieux de l’opposition au titre exécutoire, mettre en cause les autres tiers payeurs susceptibles de disposer également d’une créance subrogatoire ?
  • 2.4. L’ONIAM peut-il présenter des conclusions reconventionnelles tendant au versement de la somme de 15% de l’indemnité prévue par les dispositions précitées ?

Par Laïla Bedja
Source : Actualités du droit