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Vol à main armée dans une chambre d’hôtel : caractère direct et personnel du préjudice résultant pour l’hôtel de l’obligation d’indemniser la victime

Pénal - Procédure pénale
08/07/2019
► Pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale

Telle est la règle énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 juin 2019 (Cass. crim., 25 juin 2019, n° 18-84.653, FS-P+B+I).

Au cas d’espèce, à la suite d’un vol à main armée qui s’est produit dans une chambre d’un hôtel particulier situé à Paris, pour une valeur de 9 millions d’euros, selon une estimation d’assurances, une information judiciaire a été ouverte, au cours de laquelle ont été identifiées dix personnes qui ont été mises en examen des chefs notamment de vol avec arme en bande organisée et enlèvement ou séquestration de plusieurs personnes. La société propriétaire de l’hôtel s’est constituée partie civile en raison du préjudice direct et personnel qu’elle estimait avoir subi du fait, d’une part, de l’indemnisation potentielle due à la victime directe du vol et du remboursement de nuitées, d’autre part, des annulations de réservations et du préjudice d’image causés par cet événement. Les juges d’instruction ont déclaré cette constitution de partie civile irrecevable par une ordonnance dont la société propriétaire a relevé appel.

En cause d’appel, pour confirmer cette décision, l’arrêt a énoncé que les magistrats instructeurs avaient retenu que cette société n’était pas elle-même victime directe des faits et que les préjudices financier et moral dont elle invoquait la possibilité ne découlaient pas directement des faits dont ils étaient saisis. De plus, les préjudices évoqués ne s’entendent en effet que de conséquences indirectes des faits, se fondant en outre pour partie sur des dispositions civiles spécifiques distinctes en cas d’action en responsabilité civile et que l’arrêt du 21 juin 2011 de la Chambre criminelle vanté, relatif à des faits de vols en bande organisée commis sur des objets devant être mis en vente à l’Hôtel Drouot et énonçant que le vol peut causer un préjudice non seulement au propriétaire de l’objet volé mais aussi au détenteur de celui-ci, ne saurait trouver application en l’espèce dès lors que la société propriétaire de l’immeuble, exerçant une activité de résidence hôtelière, ne peut se targuer de la qualité spécifique de détenteur précaire des biens volés qu’une soustraction frauduleuse mettrait dans l’impossibilité de restituer les biens à leur propriétaire ou dans l’obligation d’indemniser celle-ci. Selon les juges, la procédure établit que les biens volés à la victime n’étaient nullement laissés en dépôt auprès de la société hôtelière mais conservés par la cliente qui en a été délestée dans sa suite à l’occasion des faits poursuivis.

La société propriétaire de l’hôtel a formé un pourvoi.

La Haute cour, reprenant la solution susvisée, considère qu’en prononçant ainsi, alors qu’à les supposer établis, les crimes poursuivis étaient de nature à causer à la société propriétaire de l’hôtel un préjudice direct et personnel découlant de l’obligation, pour l’hôtelier, d’indemniser, en vertu des articles 1952 et 1953 du Code civil, la personne qui loge chez lui et qui est victime d’une soustraction frauduleuse, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 2 , 3 et 85 du Code de procédure pénale. L’arrêt est donc censuré (cf. les Ouvrages «Contrat spéciaux», Le champ d'application du dépôt hôtelier et de la responsabilité de l'hôtelier ; «Droit des sociétés», La société victime d'une infraction pénale et «Procédure pénale», La nécessité d'un préjudice direct).

 

 

June Perot

Source : Actualités du droit