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Interdiction de la prise d’images et des enregistrements pendant les audiences : dépassée au regard de l’évolution liberté d’expression et de communication ?

Pénal - Procédure pénale
16/10/2019
Et si, au regard de l’évolution des techniques de communication, l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 était constitutif d’une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication ? Sur renvoi d’une QPC, le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer.

L'interdiction légale de la prise d’image et des enregistrements pendant les audiences


L’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 interdit l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image, dès l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires. Et, ce, à peine de 4 500 euros d'amende, l’appareil et le support de la parole ou de l'image utilisés en violation de cette interdiction pouvant être confisqués. La cession ou la publication, de quelque manière et par quelque moyen que ce soit, de tout enregistrement ou document obtenu en violation est également punissable (mêmes peines).

Ainsi, comme le souligne la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans la présente décision, la disposition critiquée « prohibe de façon générale » tout enregistrement, fixation ou transmission, de la parole ou de l’image après l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, et leur cession ou leur publication.
Il est vrai que des exceptions ont été introduites :
  • l’article 308 du Code de procédure pénale autorise l’enregistrement des débats devant la cour d’assises au seul bénéfice de cette juridiction ou d’autres appelées à statuer dans la même affaire ;
  • les articles L. 221-1 et suivants du Code du patrimoine permettent la constitution d’archives audiovisuelles de la justice, sous le contrôle du président de l’audience et dans des conditions devant ne porter atteinte ni au bon déroulement des débats, ni au libre exercice des droits de la défense.
 

La QPC formulée


Les dispositions de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 « portent-elles atteinte au principe de nécessité des délits et des peines garanti aux articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et limitent-elles la liberté de communication garantie à l'article 11 de ce texte de manière nécessaire, adaptée et proportionnée, alors qu'elles érigent en infraction pénale la captation de sons et d'images effectuée par des journalistes au cours d'un procès, qui est pourtant susceptible d'être effectuée sans troubler la sérénité des débats, sans porter une atteinte excessive aux droits des parties, ni menacer l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ? ».
 

Le caractère sérieux de la QPC justifiant le renvoi au Conseil constitutionnel 


La Chambre criminelle de la Cour de cassation, après avoir rappelé le caractère général de la prohibition et la teneur des exceptions légalement consacrées, observe que ces dernières poursuivent « des fins étrangères au droit à l’information du public ».
Et c’est la raison pour laquelle il importe que le Conseil constitutionnel puisse dire si la disposition critiquée, « initialement instituée en vue de préserver la sérénité des débats devant les juridictions, protéger les droits des parties au procès et garantir l’autorité et l’impartialité de la justice, n’est pas devenue, au regard de l’évolution des techniques de communication, susceptible de constituer une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication ».
Source : Actualités du droit