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Droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile pouvant prendre le pas sur la protection de l’environnement

Public - Urbanisme
20/01/2020

Encourent l’annulation des mesures d’expulsion et de destruction de constructions litigieuses étant de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile des occupants, un couple habitant avec ses trois enfants mineurs.

Telle est la solution d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 janvier 2020 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 19-10.375, FS-P+B+I).

Faits. Se plaignant de divers aménagements réalisés sur un terrain, classé en zone naturelle par le plan local d’urbanisme, et de la construction d’un chalet en bois où un couple et leurs enfants communs résident, la commune a assigné Mme X, propriétaire du terrain, en référé pour obtenir la démolition des constructions et l’expulsion des occupants.

Rappel. L'article 8 de la CESDH garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile et prévoit qu'il ne peut y avoir une ingérence dans l'exercice de ce droit que si elle est prévue par la loi et qu'elle est nécessaire, dans une société démocratique, à un certain nombre d'objectifs.

A la suite de deux arrêts rendus en 2013 et 2016 (CEDH, 17 octobre 2013, Req. 27013/07 et 28 avril 2016), la Cour de cassation a imposé aux juges statuant sur la démolition de prendre en compte cette disposition dès lors qu'elle est invoquée devant eux par le prévenu (Cass. civ. 3, 17 décembre 2015, n° 14-22.095, FS-P+B+R).

En 2018, la Cour suprême avait jugé que la protection du domicile familial ne fait pas obstacle à l'action en démolition (Cass. crim., 16 janvier 2018, n° 17-81.884, F-P+B).

Arrêt attaqué. Pour accueillir la demande de démolition, l’arrêt attaqué retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par les intéressés ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d’urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite.

Les juges d’appel énoncent également que les mesures de démolition et d’expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile du couple, l’expulsion devant s’entendre des constructions à vocation d’habitation édifiées sur la parcelle et non de l’ensemble de la parcelle puisque Mme X en est propriétaire.

Solution. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d’expulsion ne concerne que les constructions à usage d’habitation, sans rechercher concrètement si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des intéressés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. La Cour suprême adopte donc ici une position contraire à sa jurisprudence de 2018 précitée (cf. l'Ouvrage "Droit de l'urbanisme").

Source : Actualités du droit