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Enregistrement en garde à vue et atteinte à la vie privée

Pénal - Procédure pénale
27/05/2020
Dans un arrêt rendu le 21 avril 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation indique que l’enregistrement de la parole ou de l’image d’une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l'intimité de sa vie privée.
Un couple porte plainte auprès du Procureur de la République pour violation du secret professionnel et du secret de l’instruction après la diffusion d’un reportage à la télévision. Celui-ci portait sur les investigations menées concernant des réseaux de prostitution et notamment sur la surveillance d’un hôtel géré par les intéressés, lieu dans lequel des prostituées exerçaient leur activité.

Si ses auteurs avaient pris soin d’anonymiser les lieux et le nom des personnes, ce reportage présentait la garde à vue de l’épouse à la suite de son interpellation pour des faits de proxénétisme aggravé. Or, celle-ci déclarait avoir été reconnue par des tiers à la suite de la diffusion de ce reportage.

La plainte des requérants ayant été classée sans suite, ils décident alors de porter plainte et de se constituer partie civile auprès du juge d’instruction, leur avocat faisant en outre valoir une atteinte à l’intimité de la vie privée de la requérante. Une ordonnance de non-lieu est rendue. Les demandeurs interjettent appel.

Confirmant l’ordonnance du juge d’instruction, la chambre de l’instruction retient « que les images et paroles d'une personne interpellée par les services de police puis interrogée au cours de sa garde à vue ne relèvent pas de l'intimité de la vie privée au sens de ce texte, et qu'au surplus aucun élément du dossier n'indique que les conditions de la garde à vue de Mme S..., qui a nécessairement vu la caméra, lui ôtaient la possibilité de faire valoir son opposition à l'enregistrement ».  

Un raisonnement infirmé par la Haute juridiction, qui rappelle que l’article 226-1 du Code de procédure pénale incrimine « le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, en enregistrant des paroles prononcées à titre confidentiel sans le consentement de leur auteur, ou en fixant sans son consentement l'image d'une personne se trouvant en un lieu privé ; que lorsque l'acte est accompli au vu et au su de la personne intéressée, son consentement est présumé si elle ne s'y est pas opposée, alors qu'elle était en mesure de le faire ».

La Chambre criminelle estime que l’enregistrement de la parole ou de l'image d'une personne gardée à vue est susceptible de constituer une atteinte à l'intimité de sa vie privée, tout en précisant qu’elle n’est pas en mesure de s’opposer à un tel enregistrement.  
 
Source : Actualités du droit