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Visite douanière domiciliaire : validité de la saisie et du déroulement

Affaires - Pénal des affaires
Transport - Douane
29/05/2020
La validité de la visite domiciliaire réalisée dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes peut être contestée par un opérateur quant à son déroulement et/ou quant aux saisies effectuées lors de celle-ci ; une cour d’appel examine des moyens de nullité tenant d’une part à la saisie – s’agissant notamment de l’absence de pertinence des documents saisis, de l’imprécision de l’inventaire et du caractère massif/global/indifférencié de la saisie informatique – et d’autre part au procès-verbal relatant la présence de l’opérateur.
Dans l’affaire rapportée dans ces colonnes (voir notre actualité), l’opérateur qui a fait l’objet d’une visite domiciliaire dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes met aussi en cause la validité d’une part des saisies réalisées à cette occasion et d'autre part du déroulement de la visite.
 
Saisie papier
 
Documents saisis ne relevant pas de la visite : contester
 
L’opérateur estime que des documents saisis par la Douane lors de la visite n’avaient pas à l’être (ce qui violerait ses droits de la défense). Mais, pour la cour d’appel, l'ordonnance de visite domiciliaire et de saisies a été notifiée verbalement à l’opérateur avant le commencement des opérations et comporte notamment en son dispositif que tout difficulté est portée à la connaissance du juge des libertés et de la détention. Et c’est à l’opérateur, « qui avait nécessairement connaissance en sa qualité, des documents susceptibles d'être appréhendés », de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie. Or, le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapporte aucune déclaration à cette fin formulée par lui au cours des opérations, seules figurant en annexe des observations écrites de sa part.
 
Inventaire des documents saisis : quelle précision ?
 
L’opérateur invoque aussi la nullité de la saisie de documents sans lien avec la fraude au motif de la nullité de forme de l’inventaire : les libellés de ce dernier ne seraient pas suffisamment précis. Mais, pour la cour d’appel, l'article 64 ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière et « le grief résultant de l'insuffisance de précision alléguée des libellés, pouvant conduire à écarter les documents sans pour autant atteindre la validité des saisies pratiquées » n'est pas établi, à défaut pour l’opérateur de prouver l'irrégularité de la saisie des documents et l’absence de lien avec la fraude des documents saisis et énumérés, le procès-verbal des opérations constatant que les saisies n'apparaissent pas globales mais différenciées.

Saisie informatique
 
Aspects techniques : défaut de fiabilité à prouver
 
S’agissant de la saisie informatique, l’opérateur critique le système d'empreinte numérique utilisé par la DNRED soutenant qu'il ne serait pas de nature à garantir la fiabilité de la saisie numérique, la traçabilité et l'unicité des fichiers et répertoires saisis. Toutefois, à défaut de preuve, la cour d’appel écarte l’argument : celui-ci n’est aucunement démontré alors que l’opérateur pouvait réaliser un comparatif entre les données saisies et la copie placée sous scellé.
 
Saisie globale massive et indifférenciée + difficultés : à mentionner sur le PV
 
L’opérateur avance aussi que la saisie des données informatiques est globale, massive et indifférenciée. Mais, pour la cour d’appel, le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapporte aucune déclaration de l’opérateur en ce sens. De plus, ajoute ce juge-ci, le PV ne mentionne pas de refus opposé par l'officier de police judiciaire de laisser accéder aux données saisies, mais indique que la visite des locaux s'est achevée « sans incident », que les extractions informatiques se sont aussi terminées « sans incident » et que le procès-verbal a été signé et paraphé par l'occupant. Aussi, « l'absence de déclaration de [l’opérateur] portée à l'acte ainsi que l'absence de mention de difficultés, conduisent à retenir la parfaite validité du contenu de l'acte et à rejeter les prétentions à une saisie massive et indifférenciée opérée au cours des opérations ».
 
Le juge précise aussi que, la copie des fichiers ayant été réalisée en double exemplaire dont un placé sous scellé, l’opérateur pouvait ainsi en connaître le contenu et établir via son recours que certaines pièces saisies ne pouvaient l'être.

Inventaire des documents informatiques saisis : quel format ?
 
Comme pour la saisie des documents papiers, l’opérateur invoque la nullité fondée sur l’inventaire des documents informatiques saisis et l’absence d’authenticité des données et fichiers saisies. Mais, là encore, le juge se fonde manifestement sur l’article 64 silencieux sur ce point : « en l'absence de forme particulière de l'inventaire, l'établissement de celui-ci sous un format exclusivement informatique n'encourt pas en lui-même la nullité ». Et, en l’espèce, une copie des fichiers ayant été réalisée en double exemplaire dont un placé sous scellé, l’opérateur pouvait donc en connaître le contenu et établir via son recours une éventuelle modification des données saisies : il avait ainsi la possibilité de prouver l'absence d'authenticité des données et fichiers, mais n’y est dans les faits pas parvenu.
 
Déroulement de la visite et contenu du procès-verbal
 
Pour l’opérateur visité, la mention sur le procès-verbal relatant les opérations de visite de sa « présence constante et effective » est erronée. Toutefois, pour le juge qui se fonde sur l’article 336 du Code des douanes, cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux (à laquelle il n’a pas été procédé). De plus, l'annexe au PV ne contient aucune déclaration de l’opérateur recueillie par les agents des douanes selon les modalités prévues par cet article 336, mais de simples commentaires de sa main selon lesquels « l'ensemble des copies/saisies informatiques n'a pas été intégralement réalisé en présence permanente de X…, contrairement aux indications mentionnées sur le PV » : ces mentions manuscrites apposées par un tiers à la Douane ne peuvent pas faire perdre au procès-verbal sa force probante là encore à défaut d’inscription de faux.
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1010-30 et s, dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1592 et s., et dans Le Lamy droit pénal des affaires, n° 4156 et s. La décision ici présentée est intégrée aux numéros concernés dans la version en ligne des deux premiers ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 

 
Source : Actualités du droit